Guillaume Ambroise

 

Peindre en Bretagne

Didier Lapène nous a accoutumés depuis plusieurs années aux lumineux horizons qu’offrent les étendues sableuses des Landes ou aux panoramas apprivoisés de la Côte basque. On se souvient aussi de sa formidable attirance pour des fragments choisis de villes, de Madrid à Venise, de Pau à Ostende… Avec cette nouvelle exposition, la nature a repris ses droits, l’urbain subsiste à l’état de souvenir et nous retrouvons avec plaisir les ciels généreux de Gascogne qui avaient tant séduit le conservateur du musée Bonnat de Bayonne, Vincent Ducourau. Or, cette belle cadence iodée qui nous emportait de Contis à Illbarritz en cheminant par le bassin d’Arcachon, connaît aussi depuis deux étés une excitation inédite. Certes, ce n’était pas la première fois que Didier Lapène foulait les rivages bretons, en témoignent plusieurs études de la presqu’ile de Quiberon déjà anciennes. Mais, cette fois-ci, notre peintre s’est déporté au plus loin, choisissant les robustes et rudes falaises entrecoupées de plages sauvages qui ourlent la presqu’île de Crozon. Ce faisant, le voici donc installé, non loin du souvenir d’une petite colonie d’artistes, dominée par la figure grandiose et tragique de Saint-Pol-Roux. Car Didier Lapène circule avec ses couleurs, le long des côtes de Camaret, aux abords des alignements de Lagatjar, foulant le sentier qui contourne les ruines du manoir habité par le poète symboliste et surplombe l’immense horizon. Ainsi, notre peintre renoue avec le fil d’une attirance supérieure pour cette extrémité de l’Armorique, comblée de paysages inspirants mais qui se dérobent souvent. Et pour cause, comment appréhender la variété des reliefs soumise à un climat taquin ?

Se hâter lentement… voici la formule adoptée par Didier Lapène et qui lui réussit si bien. Et, pour le citer pleinement, se rappeler avant tout, qu’il fait face au paysage, « non pour créer des images mais pour peindre » ! C’est cette phrase économe qui donne la clé de compréhension de toutes ses œuvres : ébauches, grandes compositions, toiles achevées, en suspens, … et toujours une aspiration vers la perfection de l’instant saisi, capté et finalement dompté sur la fameuse surface plane. Pas de frivolités, pas d’artifices mais une science tellement maîtrisée des couleurs de la palette. Et voici que ce petit bout de Bretagne, dans sa nudité d’une nature préservée, apparaît, inondé de soleil ou enfoui sous la brume. L’équilibre des plans se déploie magnifiquement dans telle œuvre cependant que la suivante prône la dissolution. Faut-il concéder des préférences ? Certes, le goût est affaire de tout un chacun, mais avec Didier Lapène, il faut surtout se laisser pénétrer de cette insistante musique « pigmentée » qu’instillent ses toiles. C’est bien le peintre qui joue le révélateur de la beauté de ce paysage ! Quel meilleur allié que son œil qui sait distinguer les verts chauds et les verts froids, déceler le vert permanent clair, la terre d’ombre rouge ou le violet de Mars, en un mot, partager ce que nous contemplons tous sans connaître ce don si particulier qui n’appartient qu’aux vrais créateurs.

Guillaume Ambroise

Conservateur en chef du Musée des Beaux Arts de Quimper